LETTRE DE CHARLES VII AUX HABITANTS DE NARBONNE.
DE PAR LE ROY.
Chers et bien amez, nous croyons que avez bien sceu les continuelles diligences par nous faites de donner tous secours possibles à la ville d'Orléans dès piéça assegie par les Anglois, anciens ennemis de nostre royaume, et le devoir en quoy nous en sommes mis par diverses fois, ayans toujours bonne esperance en nostre Seigneur que finablement il y extendroit sa grace et ne permettroit une si notable cyté et un si loyal peuple de périr ne cheoir en la subjection et tirannie des dits ennemis. Et pour ce que bien savons que gregneur joye et consolation ne pourriez, comme loyaux subjets, avoir, que d'en oïr annoncer bonnes nouvelles : nous vous apprenons que, la mercy nostre Seigneur dont tout procede, nous avons de nouvel fait advitailler à puissance et par deux fois en une seule sepmaine la dite ville d'Orléans bien et grandement, au veu et sceu des dits ennemis, sans ce qu'ilz y ayent pu resister. Et depuis, c'est à savoir mercredy dernier, nos gens envoyez avecque le dit advitaillement, ensemble ceulx de la dite ville, ont assailli l'une des plus fortes bastides des dits ennemis, c'est assavoir celle de Saint-Loup ; laquelle, Dieux aydant, ilz ont prinse et gaignée par puissance et de bel assault, qui dura plus de quatre ou cinq heures. Et y ont esté mors et tués tous les Anglois qui dedens estoient, sans ce qu'il y soit mort des nostres que deux seules personnes ; et combien que les Anglois des autres bastides fussent alors yssus en bataille, faisans mine de vouloir combattre, toutes voiz quand ils vidrent nos dites gens à l'encontre d'euls, ils s'en retournèrent hastement, sans les oser attendre. Et se sont encores demourez par delà nos dites gens en esperance de faire plus grandes choses. D'autre part avons presentement receu lettres de beau cousin de Vendosme, par les quelles il nous fait savoir que son castel du dit lieu de Vendosme auquel, par le moyen d'un varlet de la garnison, les ennemis estoient de nouvel entrés, a esté prestement recouvert par nos gens estans esdites ville et marches.
Toutes les quelles choses bien considerées, avons bien fiance en la misericorde de nostre Seigneur, moyennant aussi la bonne diligence que entendons faire à poursuivre nostre bonne fortune, que nos affaires vendront à bonne yssue. Ce que vous voulons bien communiquer, sachant que ainsi le vouldroyez et desirez ; vous prians et exortans bien cordialement que, en recongnoissance de toutes ces choses, veuillez par notables processions, prières et oroisons, bien loer et regracier nostre Créateur en le requerant toujours de nous estre en ayde et de conduire noz affaires ; car en vos bonnes prières avons bien grant espoir. Et en ce faisant, ferez bien et vostre devoir, et vous en saurons très bon gré. Et ainsi que les autres nouvelles nous surviendront, toujours les vous ferons savoir.
Depuis ces lettres faittes, nous est cy venu un hérault, environ une heure après mye nuit, lequel nous a raporté sur sa vie que vendredy dernier, nos dites gens passèrent la rivière par bateaux à Orléans, et assegèrent du costé de la Soloigne la bastide du bout du pont. Et le mesmes jour gangnèrent le logis des Augustins ; et le samedi aussi assaillirent le demourant de la dite bastide, qui estoit le boulevert du pont, où avoit bien vic combatans anglois, sous deux bannières et l'estendart de Chandos ; et finablement, par grant prouesse et vaillance d'armes, moyenant toujours la grace de nostre Seigneur, gangnèrent toute la dite bastide. Et ont esté tous les dits Anglois que y estoient, mors ou pris. Pour ce, plus que devant, devez louer et regracier nostre dit Créateur que de sa divine clémence ne nous a voulu mettre en oubly ; et ne pourriez assez honorer les vertueux faits et choses merveilleuses que le dit hérault, qui a esté present, nous a tout rapporté, et autres aussi, de la Pucelle, la quelle a toujours esté en personne à l'exécution de toutes ces choses.
Et depuis encore, avant la perfection de ces lettres, sont arrivez devers nous deulx gentils hommes qui ont esté à la besoigne, les quelz certifient et confirment tout par la manière et plus amplement que le dit hérault ; et de ce nous ont apporté lettres de la main du syre de Gaucourt. En oultre nous eusmes ce dit soir certaines nouvelles que, après que nos gens eurent samedy dernier prinse et desconfite la bastide du bout du pont, le lendemain au point du jour, les Anglois qui estoient demourez, s'en sauvèrent et deslogèrent si hastement qu'ils laissèrent leurs bombardes, canons, artillerie et la plupart de leurs vivres et bagages.
Donné à Chinon, le xe jour de may.
Signé CHARLES, contresigné BUDÉ.
samedi 23 novembre 2024
1429, le 10 mai : Lettres de Charles VII aux habitants de Narbonne
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